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Les gardiens du net | Mohamed MECHRI (PDG de Ventury Technology)

Dans le cadre de notre série spéciale « Les Gardiens du Net », nous avons eu l’opportunité de nous entretenir avec Mohamed MECHRI, PDG de Ventury Technology, enseignant et consultant en cybersécurité. Fort de son expérience et de ses connaissances approfondies dans le domaine, il partage son analyse des dynamiques actuelles et des enjeux majeurs qui façonnent l’avenir de la cybersécurité.

Pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?

Je m’appelle Mohamed MECHRI, PDG de Ventury Technology, un cabinet de conseil en cybersécurité spécialisé dans la gouvernance et l’audit ISO 27001. Nous intervenons dans divers secteurs d’activité tels que l’hospitalier, les fonds d’investissement, l’industrie, ainsi que les cabinets d’architecture et de comptabilité, parmi bien d’autres. En tant que consultant expert en cybersécurité, j’accompagne les entreprises dans la sécurisation de leurs systèmes d’information et la mise en conformité. Par ailleurs, j’enseigne dans plusieurs écoles d’ingénieurs à Lyon.

La cybersécurité en France : de quoi parle-t-on ?

Après avoir audité plus d’une centaine d’entreprises, nous constatons que beaucoup n’ont pas encore pris le virage de la cybersécurité, en particulier les TPE et PME, qui restent extrêmement vulnérables. Ces entreprises, souvent contraintes par un budget limité, ne disposent pas des ressources suffisantes pour investir dans la cybersécurité proportionnellement aux risques encourus. Cette situation est dramatique en cas de cyberattaque, car, comme nous le rappelons régulièrement, mieux vaut investir dans la prévention que dans la réparation. En effet, lorsqu’une cyberattaque survient, les chances de survie d’une entreprise non préparée sont extrêmement faibles, et les conséquences peuvent être désastreuses : pertes économiques, poursuites juridiques, atteinte à l’image de marque, et bien entendu, des répercussions financières majeures. De plus, les entreprises françaises qui n’ont pas investi dans leur cybersécurité se retrouvent souvent contraintes de payer une rançon en cas d’attaque. Ce phénomène incite les cybercriminels à cibler la France davantage que d’autres pays. D’une part, parce que les entreprises ne sont pas suffisamment préparées, et d’autre part, parce qu’elles sont plus enclines à payer, faute d’alternative, ce qui renforce la perception de vulnérabilité.

Quels sont les principaux défis à relever pour la Cybersécurité en France ?  

Les principaux défis à relever pour la cybersécurité en France sont multiples.

Tout d’abord, il y a un manque de sensibilisation et de formation, en particulier au sein des TPE et PME, qui sont souvent mal préparées face aux cybermenaces. Ces entreprises n’ont pas toujours les ressources nécessaires pour investir dans des infrastructures de cybersécurité robustes, ce qui les rend vulnérables aux attaques.

Ensuite, il existe un réel problème de budget alloué à la cybersécurité. Beaucoup d’entreprises considèrent encore cet investissement comme secondaire, préférant traiter les incidents une fois qu’ils surviennent, au lieu d’adopter une approche préventive. Cela est particulièrement vrai pour les plus petites entreprises, qui ne voient pas toujours la cybersécurité comme une priorité. Un autre défi majeur réside dans l’évolution constante des menaces. Les cybercriminels deviennent de plus en plus sophistiqués, exploitant de nouvelles failles inattendues, rendant la tâche complexe pour les entreprises de maintenir un niveau de sécurité à jour. Les ransomwares, par exemple, sont de plus en plus fréquents, et le fait que de nombreuses entreprises se voient contraintes de payer des rançons encourage encore davantage ces attaques.

Enfin, il y a une véritable question de souveraineté numérique. La France doit s’assurer que ses infrastructures critiques sont protégées, notamment face à des acteurs étrangers qui peuvent représenter une menace géopolitique.

Pour relever ces défis, il est indispensable de renforcer la collaboration entre le secteur public et privé, et de soutenir davantage les initiatives de formation et de sensibilisation en cybersécurité à l’échelle nationale.

Quels sont les nouveaux enjeux de la Cybersécurité pour 2024 ?

Les nouveaux enjeux de la cybersécurité pour 2024 sont vastes et en constante évolution. L’une des préoccupations majeures concerne les attaques ciblant les infrastructures critiques, comme celles des secteurs de l’énergie, de la santé et des transports, qui deviennent des cibles de plus en plus fréquentes. La digitalisation croissante expose ces secteurs à des risques de perturbations significatives, et leur protection est un enjeu prioritaire. Les ransomwares continuent également d’évoluer, avec des attaques de plus en plus sophistiquées, rendant la détection et la prévention complexes. En 2024, les entreprises devront renforcer leurs approches de sécurité en se focalisant davantage sur des mesures préventives et des réponses rapides pour limiter les impacts financiers et opérationnels. Par ailleurs, l’essor de technologies telles que l’intelligence artificielle et la blockchain présente de nouveaux défis. Les cybercriminels exploitent des vulnérabilités dans ces technologies émergentes, ce qui exige des entreprises une vigilance accrue, notamment face aux attaques basées sur l’IA et aux deepfakes. Un autre enjeu crucial est la conformité réglementaire. En tant qu’experts, nous avons remarqué que beaucoup d’entreprises ne sont pas encore conscientes des directives qu’elles devront respecter dans les mois à venir, telles que la directive NIS 2 ou la directive DORA. Ce manque de veille juridique peut avoir des répercussions directes sur leurs activités, car la non-conformité à ces régulations expose les entreprises à des sanctions lourdes. Il est donc essentiel pour les organisations d’intégrer ces cadres réglementaires dans leurs stratégies de cybersécurité, sous peine de mettre en péril leur résilience face aux cybermenaces.

En résumé, en 2024, la cybersécurité ne se limite plus à la protection technique ; elle doit également inclure une vigilance réglementaire et une anticipation des risques liés aux nouvelles technologies.

Quels sont vos conseils à destination des entreprises pour mieux se protéger ?

Pour mieux se protéger des cyberattaques, il est essentiel que les entreprises adoptent une approche globale qui inclut à la fois des mesures techniques et une sensibilisation accrue des équipes. En effet, dans 90 % des cas, une cyberattaque résulte d’une erreur humaine. Cela peut être un clic sur un lien malveillant, l’utilisation d’un mot de passe faible, ou encore une mauvaise gestion des accès. Voici mes principaux conseils pour réduire ces risques : Former régulièrement les employés : La cybersécurité commence par la sensibilisation des collaborateurs. Chaque membre de l’organisation doit être formé aux bonnes pratiques, notamment sur la reconnaissance des tentatives de phishing, l’importance des mots de passe robustes, et la sécurisation de leurs environnements de travail, que ce soit sur site ou à distance. Mettre en place une authentification forte : L’authentification multifactorielle (MFA) est une barrière supplémentaire contre les accès non autorisés. Elle permet de renforcer la sécurité en exigeant plusieurs éléments pour vérifier l’identité des utilisateurs. Effectuer des mises à jour régulières : Beaucoup d’entreprises négligent les mises à jour de leurs systèmes, laissant des failles exploitables par les cybercriminels. Il est impératif de s’assurer que tous les logiciels, systèmes d’exploitation et équipements réseau sont à jour avec les derniers correctifs de sécurité. Mettre en place des sauvegardes régulières : En cas de cyberattaque, disposer de sauvegardes régulières et sécurisées des données peut faire la différence. Cela permet de restaurer rapidement les systèmes sans avoir à céder au chantage d’une rançon. Adopter une approche proactive en cybersécurité : Plutôt que de réagir après une attaque, il est essentiel d’anticiper les menaces en effectuant des audits réguliers, en testant la résilience de vos systèmes à travers des simulations d’attaques (tests d’intrusion) et en adoptant des stratégies de prévention des incidents. Se conformer aux réglementations : Les entreprises doivent également se préparer à respecter les nouvelles directives comme NIS 2 et DORA. Ne pas anticiper ces évolutions réglementaires peut non seulement augmenter le risque de cyberattaque, mais aussi exposer l’entreprise à des sanctions lourdes.

En résumé, la cybersécurité repose sur une combinaison d’outils techniques, d’une formation continue des équipes, et d’une veille constante des menaces et des obligations légales. Mieux vaut prévenir que guérir, surtout dans un environnement où les cyberattaques peuvent avoir des conséquences désastreuses pour les entreprises.

Dans le contexte géopolitique actuel, faut-il craindre des cyberattaques militaires à l’encontre de la France ?

Dans le contexte géopolitique actuel, il est tout à fait légitime de craindre des cyberattaques militaires à l’encontre de la France. Les tensions internationales et les conflits de pouvoir qui se jouent sur la scène mondiale incluent de plus en plus la dimension cybernétique. Les cyberattaques sont devenues un moyen privilégié pour les États ou des acteurs parrainés par des États d’exercer une forme de guerre asymétrique, car elles permettent de causer des perturbations significatives sans avoir recours à des opérations militaires conventionnelles. La France, en tant que puissance européenne avec des infrastructures critiques stratégiques, est une cible potentielle pour ce type d’attaques. Des secteurs tels que l’énergie, les transports, la santé, et même les institutions gouvernementales sont susceptibles d’être visés. Une cyberattaque militaire pourrait provoquer des interruptions massives de services essentiels, générer du chaos, et fragiliser la confiance de la population envers ses institutions. Les cyberattaques d’origine étatique ne visent pas seulement à paralyser un pays, mais aussi à voler des données sensibles, à affaiblir économiquement une nation, ou à influencer la prise de décisions stratégiques. C’est pourquoi la France, comme d’autres grandes puissances, doit renforcer ses capacités de défense et de résilience face à ces nouvelles menaces. De plus, les infrastructures critiques doivent être constamment surveillées et sécurisées. La directive NIS 2, par exemple, impose des obligations de cybersécurité accrues aux opérateurs de services essentiels, et cela fait partie des efforts pour prévenir des cyberattaques d’envergure. Cependant, le risque demeure réel, et il est impératif de continuer à investir dans la cybersécurité, dans la collaboration internationale, et dans la formation des équipes, tout en anticipant les nouvelles formes d’attaques qui pourraient émerger dans ce contexte géopolitique tendu.

Que pourrait-être l’impact de l’intelligence artificielle sur l’avenir de la cybersécurité ?

L’impact de l’intelligence artificielle sur l’avenir de la cybersécurité sera significatif, avec à la fois des opportunités et des défis. D’un côté, l’IA améliore la détection des menaces en analysant de grandes quantités de données en temps réel, permettant une réaction plus rapide face aux cyberattaques. Elle peut également renforcer la protection contre les attaques par ingénierie sociale, comme le phishing, en identifiant des comportements suspects. Cependant, l’IA présente des risques. Les cybercriminels exploitent déjà cette technologie pour développer des attaques plus sophistiquées, comme des malwares adaptatifs et des deepfakes, qui compliquent la détection et la prévention des menaces. En somme, l’IA est un outil puissant pour la cybersécurité, mais elle nécessite une vigilance constante et une adaptation continue des stratégies de défense pour contrer les nouvelles menaces qu’elle engendre.

Quelles seront les nouvelles menaces émergentes dans les années à venir ?

Le Ransomware-as-a-Service (RaaS) est l’une des menaces émergentes les plus préoccupantes pour les années à venir. Ce modèle commercial permet à des cybercriminels moins expérimentés d’acheter des outils de ransomware sur le dark web, facilitant ainsi l’accès à des attaques sophistiquées. Avec RaaS, les opérateurs de ransomware développent des logiciels malveillants et fournissent des infrastructures pour exécuter des attaques, en prenant souvent une part des rançons. Ce système réduit les barrières à l’entrée pour de nouveaux acteurs malveillants, augmentant ainsi le volume et la fréquence des attaques. Les cibles potentielles varient, allant des petites entreprises aux grandes organisations, et les conséquences peuvent être dévastatrices.

Quels conseils pour les personnes souhaitant commencer une carrière dans la cybersécurité ?

Pour commencer une carrière dans la cybersécurité, il est essentiel de se former aux normes ISO, notamment l’ISO 27001, qui fournit des bases solides sur la gestion de la sécurité de l’information. Obtenir des certifications reconnues comme la Lead Auditor ISO 27001 ou le CompTIA Security+ peut également renforcer votre profil et attirer l’attention des employeurs. Parallèlement, cherchez à acquérir une expérience pratique à travers des stages ou des projets bénévoles. Restez informé des dernières tendances en cybersécurité en suivant des blogs et des conférences, et développez un réseau professionnel en connectant avec des experts du domaine. Cela vous aidera à vous positionner favorablement sur le marché du travail.

Quels sont les défis liés à la conformité aux réglementations de cybersécurité ?

La conformité aux réglementations, comme le RGPD ou la directive NIS 2, pose plusieurs défis pour les entreprises, notamment la compréhension des exigences, la mise en place des processus adéquats et le suivi des évolutions législatives. Une veille juridique constante et des audits réguliers sont nécessaires pour assurer une conformité continue et éviter des sanctions financières.

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